Médecin à Miami, le docteur Léonard Petrie est un
matin réveillé par un père de famille inquiet qui
prétend que son fils est très malade. Croyant tout d'abord
à une grippe, il se rend tout de même au chevet de ce patient
et découvre à sa grande stupeur que l'enfant est atteint
d'une maladie foudroyante. Intervenu trop tardivement, le garçon
décède quelques heures après son admission à
l'hôpital. La stupeur du docteur Petrie est d'autant plus grande
qu'il ne parvient pas à identifier la nature de cette maladie et
que, dans le même temps, d'autres cas similaires se déclarent,
engendrant une mortalité inhabituelle. Les autorités ne tardent
pas à comprendre le danger qui menace Miami : une épidémie
bactériologique d'origine inconnue et mortelle à 100 %. Qui
peut arrêter la progression de cette peste d'un nouveau genre ? Grave
dilemne pour le docteur Petrie : doit-il combattre le mal ou essayer de
sauver sa famille ? Peut-être est-il trop tard car ce sont les Etats-Unis
qui semblent menacés par cet Armageddon bactériologique.
Ecrit en 1977, La Mort noire
attendait sa traduction française depuis plus de 20 ans et c'est
chose faite grâce à l'éditeur belge Lefrancq et son
génialissime directeur de collection Marc Bailly. Les fans de Masterton
ne seront pas déçus car ils y retrouveront ce qui a fait
le succès de l'auteur anglais : une histoire simple mais qui fait
mouche, une multitude de personnages intéressants, un style percutant
et qui ne s'embarrasse pas de frou-frou, des effets chocs et des images
fortes. Bref du Masterton comme on en redemande régulièrement
(et que l'on reçoit généralement à part quelques
exceptions). Néanmoins, La Mort noire présente quelques
petites différences par rapport aux autres oeuvres de l'écrivain.
Premièrement, ce n'est pas du fantastique anthropologique comme
il a l'habitude de nous le proposer. Ici pas de Misqcamacus ou de démons
exhumés de quelque légende millénaire. La peur prend
la forme d'une maladie contagieuse dont l'origine est probablement le fait
de la négligence et la bêtise humaine. Une peur bien plus
terrifiante à vrai dire car il n'existe aucun moyen de lutter :
pas de formules magiques, pas d'incantations ancestrales, pas de sortilèges
de sorciers. Les héros sont impuissants.
Deuxièmement, La Mort noire est l'une des
oeuvres les plus engagées de Masterton (plus encore que la trilogie
Manitou). Les méfaits de cette maladie sans nom sont l'occasion
de décrire la déliquescence de notre monde moderne et de
ses aberrations. "L'être humain n'est qu'un animal parmi les autres",
semble proclamer Masterton, "Lorsqu'il est aux abois, il retrouve son instinct
de survie et peut tuer pour survivre" En effet, derrière le récit,
l'écrivain en profite pour régler quelques comptes avec notre
société : bourgeois, voyous, hommes, femmes, riches, pauvres,
tous se retrouvent égaux devant cette mort qui ne choisit pas. Posséder
de l'argent ne sert plus à rien car il ne protège pas de
la contagion. Le voler n'a plus aucun sens aussi.
La Mort noire est donc un roman
d'honnête facture où la jeunesse de Masterton se fait sentir
(notamment dans le traitement du récit) mais d'une profondeur inhabituelle
que l'on aimerait bien retrouver dans ses romans plus récents.