Graham MASTERTON
La Mort noire JJ
Lefrancq Littérature, collection "Thriller fantastique"
359 pages, 129 francs

 
    Médecin à Miami, le docteur Léonard Petrie est un matin réveillé par un père de famille inquiet qui prétend que son fils est très malade. Croyant tout d'abord à une grippe, il se rend tout de même au chevet de ce patient et découvre à sa grande stupeur que l'enfant est atteint d'une maladie foudroyante. Intervenu trop tardivement, le garçon décède quelques heures après son admission à l'hôpital. La stupeur du docteur Petrie est d'autant plus grande qu'il ne parvient pas à identifier la nature de cette maladie et que, dans le même temps, d'autres cas similaires se déclarent, engendrant une mortalité inhabituelle. Les autorités ne tardent pas à comprendre le danger qui menace Miami : une épidémie bactériologique d'origine inconnue et mortelle à 100 %. Qui peut arrêter la progression de cette peste d'un nouveau genre ? Grave dilemne pour le docteur Petrie : doit-il combattre le mal ou essayer de sauver sa famille ? Peut-être est-il trop tard car ce sont les Etats-Unis qui semblent menacés par cet Armageddon bactériologique.
 
    Ecrit en 1977, La Mort noire attendait sa traduction française depuis plus de 20 ans et c'est chose faite grâce à l'éditeur belge Lefrancq et son génialissime directeur de collection Marc Bailly. Les fans de Masterton ne seront pas déçus car ils y retrouveront ce qui a fait le succès de l'auteur anglais : une histoire simple mais qui fait mouche, une multitude de personnages intéressants, un style percutant et qui ne s'embarrasse pas de frou-frou, des effets chocs et des images fortes. Bref du Masterton comme on en redemande régulièrement (et que l'on reçoit généralement à part quelques exceptions). Néanmoins, La Mort noire présente quelques petites différences par rapport aux autres oeuvres de l'écrivain. Premièrement, ce n'est pas du fantastique anthropologique comme il a l'habitude de nous le proposer. Ici pas de Misqcamacus ou de démons exhumés de quelque légende millénaire. La peur prend la forme d'une maladie contagieuse dont l'origine est probablement le fait de la négligence et la bêtise humaine. Une peur bien plus terrifiante à vrai dire car il n'existe aucun moyen de lutter : pas de formules magiques, pas d'incantations ancestrales, pas de sortilèges de sorciers. Les héros sont impuissants.
Deuxièmement, La Mort noire est l'une des oeuvres les plus engagées de Masterton (plus encore que la trilogie Manitou). Les méfaits de cette maladie sans nom sont l'occasion de décrire la déliquescence de notre monde moderne et de ses aberrations. "L'être humain n'est qu'un animal parmi les autres", semble proclamer Masterton, "Lorsqu'il est aux abois, il retrouve son instinct de survie et peut tuer pour survivre" En effet, derrière le récit, l'écrivain en profite pour régler quelques comptes avec notre société : bourgeois, voyous, hommes, femmes, riches, pauvres, tous se retrouvent égaux devant cette mort qui ne choisit pas. Posséder de l'argent ne sert plus à rien car il ne protège pas de la contagion. Le voler n'a plus aucun sens aussi.
 
    La Mort noire est donc un roman d'honnête facture où la jeunesse de Masterton se fait sentir (notamment dans le traitement du récit) mais d'une profondeur inhabituelle que l'on aimerait bien retrouver dans ses romans plus récents.
 

Obscure Mandragore.